L'ENVOL
Mon frère et moi sommes sur un toit plat couvert d’un béton obscur, à quelques dizaines de mètres du sol. Le ciel est clair devant l'étendue désertique à laquelle nous faisons face. Alex pousse un cri qui m’avertit de l’arrivée de ciment frais. Nous voyons un grillage métallique de forme cylindrique sur le bord de la bâtisse. Nous y plongeons et le dévalons de façon plus ou moins contrôlée, multipliant les égratignures sur nos genoux et nos avant-bras au fur, poursuivis par l’épais fluide. Maintenant, nous devons courir, au risque de nous faire ensevelir, nous retrouver figés. Mes pieds s’enfoncent dans le sable, je n'arrive pas à maintenir la cadence, je ne suis toujours pas en sécurité. Je me retourne et aperçois la tête rasée de mon frère, trop loin. Mon corps s'arrête. Je vois ses bras et ses jambes escalader le grillage du tube de coulage. Je lâche un cri strident, étonnamment similaire au grincement de la pompe à béton. Alex atteint le toit sur lequel nous étions, quelques instants plus tôt. Il se donne un vigoureux élan et saute dans le vide, la colonne courbée vers l’arrière, les bras grands ouverts. Alors que son corps s’apprête à heurter le sol, un flou se crée devant mes yeux. Je croyais qu’il allait s’envoler.